Bonsoir :)
Ça doit faire au moins deux semaines que j'ai terminé de lire le livre dont je vais vous parler, ou plutôt qui va être l'assise de l'article entier, mais tant pis ! Après tout je suis comme ça : je repousse tout à la dernière minute, même si, pour un article de blog, il n'y a pas d'échéance... Alors, fidèle à moi-même, je vous écris cet article longtemps après l'avoir décidé, sans avoir même réfléchi à la forme qui allait habiller le fond.
Le livre dont je vais vous parler est écrit par Éric-Emmanuel Shmitt et s'intitule La Part de l'autre. C'est un roman très bien écrit qui parle d'Hitler. Oui, directement Hitler, sans pour autant être une biographie. Le concept du livre est en effet assez particulier. Il faut d'abord rappeler qu'Hitler, avant la Première Guerre mondiale, a été refusée à l'Académie des Beaux Arts de Vienne. Le but du livre, c'est de raconter l'histoire du même homme s'il y avait été accepté. L’œuvre se construit donc autour de deux histoires : tantôt l'auteur écrit un paragraphe de la réalité, tantôt il en écrit un sur le Hitler peintre, étudiant aux Beaux Arts. Et on voit très tôt que, si les chemins diffèrent, les deux facettes de l'homme aussi ! Et c'est impressionnant de voir que la Seconde Guerre mondiale aurait pu ne pas avoir lieu, et que six millions de Juifs, vingt-cinq millions de soviétiques, autant de civils, auraient pu rester en vie ! Mais il y a beaucoup d'autres changements qui peuvent se voir entre le destin de l'Hitler réel et celui de l'artiste. Et rien que pour vous ouvrir l'esprit, je vous invite à lire le livre en question si vous ne l'avez pas fait !
Mais, bien-sûr, je ne voulais pas parler du livre pour parler du livre : ce serait trop facile, et un peu vide d'intérêt. Car si le but de l'auteur était d'abord de faire réfléchir sur l'homme qu'était et aurait pu être Hitler, il s'agissait ensuite de nous faire réfléchir sur nous-même : Si Hitler aurait pu être bon dans le passé, nous pourrions être mauvais aujourd'hui. L'idée est donc d'accepter la part de bonté en Hitler, ainsi que notre part d'ombre.
Et là vous me direz : « Oui mais nous on n'a pas tué six millions de Juifs ! » , et moi je vais vous dire que, si le dictateur additionnait le mal et la folie (il a été rendu fou au sortir de la guerre, aveuglé par un gaz, ne voulant pas sortir de la cécité à cause de la défaite (problème d'acceptation de l'échec). Il a donc été soigné par un médecin, de manière psychologique, méthode de Freud, pour lui rendre sa détermination, sauf que ça l'a rendu déterminé à vous savez quoi), on peut très bien faire le mal sans être fou. C'est donc la folie qui a fait l'ampleur du mal. Mais je persiste : le mal existe en chacun de nous, de façon complémentaire, car ne me dites pas que, étant enfant, vous n'avez jamais été tenté de voler, de vous moquer, de tuer cruellement des petites bestioles avec toute la futilité que ça impliquait. Alors pourquoi, lorsqu'on est adulte, on ne fait plus ces choses-là et on n'y pense même pas ? A cause de nos affects. Tout simplement. Nos affects font que l'on est attiré par les choses que l'on aime et que l'on repousse ce que l'on n' aime pas. On est attiré par les caresses de notre mère, mais pas par ces gifles ! Et parce qu'on aime notre mère et ce qu'elle nous apporte d'agréable, on fait ce qu'elle apprécie, ce qu'elle considère comme bon, juste. Ainsi on apprend à éviter de faire des bêtises pour s'épargner les sanctions et les mauvaises considérations d'autrui. Mais ça ne marche pas que lorsqu'on est enfant et qu'avec notre mère, mais avec toute la famille, toute la société, l'ethnie, la civilisation.
Ce sont donc bien les affects qui font que nous posons des limites à notre barbarie et à notre bon plaisir, et on finit par tellement accepter ces limites que nous ne pensons plus à faire le mal et que nous le vivons très bien, sans frustration. Pourtant ce ne sont pas des limites complètement imperméable, car nous nous autorisons de temps en temps un petit extra : de la satyre pour justifier la moquerie au commerce pour justifier la cupidité mutuelle, en passant par le contexte d'une soirée arrosée pour justifier des propos déplacés ou des mains baladeuses... Toute cette perméabilité est donc humaine et permet de bien vivre en nous offrant quelques exutoires.
J'espère qu'avec cette explication quelque peu alambiquée mais franche, vous conviendrez que vous n'êtes pas fait que de bonté, et vous serez rassurés si vous avez des choses à vous reprocher (ce qui est mon cas). Cela ne veut pas dire que vous avez le droit de ne plus faire la différence entre le bien et le mal, et de vous autoriser plus que quelques extras !!!
Au final, pourquoi je vous ai expliqué tout ça, au risque de m'attirer les foudres de la Vertu ? Tout simplement pour vous répéter ce que j'ai dit dans l'article d'introduction, de manière un petit peu plus approfondie. Si nous avons tous une part d'ombre pour concurrencer notre bonté, il faut ajouter que nous avons tous un rapport différent avec chacune des idées que nous avons pu rencontrer tout au long de notre vie, et ce qui peut nous paraître juste peut-être mal perçu par autrui, et inversement. Et comme si cet état de fait ne donnait pas déjà assez de complexité à nos êtres, j'ajouterai que tout un chacun peut changer pour avoir d'autres modes de fonctionnement, d'autres habitudes, d'autres façons de penser. Ce potentiel de changement lui offre de l'espoir à lui, mais aussi à ses proches, à l'humanité toute entière, ou au contraire, ce potentiel nous démontre qu'il ne serait pas folie de se méfier encore de nos jours... Une telle complexité dans l'être humain ne me mène à dire qu'une seule chose : l'habit ne fait pas le moine ! Une expression aussi simple et banale ? Oui ! Car le moine est consacré à vie, de par sa vocation religieuse. Nous, nous ne sommes pas voués (condamnés !) à continuer ce que nous pouvons regretter, et cela souligne notre potentiel de changement, en plus de la signification classique de l'expression qui est qu'il faut voir au-delà des façades et des préjugés. Et cette conception des rapports de l'homme avec lui-même et avec son destin confirme ce qu'a dit wolfe dans son commentaire au premier article : le premier choix n'est pas souvent le bon, sinon ce serait trop facile ; il faut donc accepter pour soi-même que l'on s'est trompé, et aussi avoir l'espoir de se rattraper :)
Je voudrais terminer en vous résumant un peu tout ça. L'être humain est infiniment complexe : il n'est ni bon ni mauvais, ce sont les actes et les concepts qui le sont, et encore, c'est une notion subjective, car ce sont les affects qui posent cette règle ; il n'est pas voué à la vertu ou au vice, il est changeant, ce qui prouve qu'il est bien vivant. Tout ceci confirme ce que j'ai dit dans mon premier article, tout introductif soit-il : les idées vont bon train et ne sont pas désespérément attachées à un groupe de personnes en particulier ; elles sont versatiles et pas toujours faciles à accepter ou à comprendre, mais elles sont nombreuses et créatrices, ce qui leur donne au moins la dignité d'être entendues et respectées.
Sur ce, j'espère ne pas avoir causé trop de remous, ni choqué l'internaute qui vient de se perdre dans les bas fonds de la blogosphère et est en train de lire le blog d'un pauvre hère comme moi !
Maellin